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Interview
École Publique

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Hugo Harari-Kermadec

Économiste et sociologue -
Université d'Orléans

Hugo Harari-Kermadec, économiste et sociologue à l'université d'Orléans, nous a accordé une interview pour le secteur public, le secteur quand lequel il enseigne.
A l’issue de cette interview, nous avons voulu retenir quelques phrases comme
" Les universités reçoivent moins d'aide public. Encore une fois, cela augmente les inégalités.", "Il y a une augmentation depuis plusieurs années du nombre d'étudiants et les moyens ne suivent pas, donc la situation s'aggrave." ou encore " Il y a un accroissement des inégalités en même temps qu'un manque de moyens général ". 

Julien SCHMITT: Que pensez-vous de la situation actuelle des universités et est-ce que l’Etat investit assez dedans?

 

H. Kermadec: Il y a une augmentation depuis plusieurs années du nombre d’étudiants et les moyens ne suivent pas, donc la situation s’aggrave. C’est particulièrement vrai dans les universités les moins prestigieuses ou il y a de plus en plus d’étudiants surtout d’origine populaire. Il y a donc un accroissement des inégalités en même temps qu’un manque de moyens général.

 

JS: Les étudiants à l’université ont-ils autant de chances de réussir que les étudiants d’écoles de commerce ou de classes préparatoires?

 

H.K: C’est difficile à dire car c’est extrêmement divers. Les universités reçoivent moins d’aides publiques. Encore une fois, cela augmente les inégalités puisque ce ne sont pas les étudiants les plus favorisés qui vont à l’université. De façon générale, le fait d’avoir un diplôme y compris universitaire réduit très fortement les chances de chômage.

 

JS: Un article de Cyril Delhay évoque un certain verrou social mis en place et qui marginalise les jeunes défavorisés, avec un obstacle financier, un manque d’information, de l’autocensure et la préselection dans les lycées avec des conseillers d’orientations qui brident les élèves en leur disant qu’ils ne peuvent pas réussir dans des grandes filières justement parce qu'ils viennent de lycées défavorisés. Qu’en pensez-vous?:

 

HK: Alors il peut y avoir des choses comme ça avec des conseillers d’orientation ou des proches qui sont peu informés sur les cursus ou alors réticents. Mais l’effet principal est plutôt structurel. Cela demande plus d’efforts comme par exemple quitter une école rurale dans un village pour aller dans un collège puis un internat pour aller dans un lycée, dont le lycée général est encore plus loin que le lycée agricole ou professionnel. Et c’est encore plus le cas pour les études supérieures. Alors que pour d’autres élèves, aller en classe prépa, c’est rester dans l’établissement dans lequel on a été toute sa vie en fait. Ils n’ont pas d’effort social à fournir, ni de déménagement, ni de découvrir des nouveaux codes. C’est le mécanisme principal qui fait qu’il y a une reproduction des positions sociales dans la société.

 

JS: J’ai également lu aussi qu’en plus des inégalités par les classes sociales, il y avait aussi des inégalités hommes-femmes. Pourriez-vous m’en dire plus à ce sujet?

 

HK: (rire) On aura une conception de ce qui est censé être masculin ou féminin moins forte qu’il y a 50 ans mais qui reste très forte. Les filles vont moins s’orienter vers les filières scientifiques. Les filles qui y vont sont souvent seules. Cela leur demande plus d’efforts et de détermination pour rester dans ces filières. Les nouvelles réformes du baccalauréat renforcent ce phénomène. Au lieu d’avoir un bac S, on a des spécialités Mathématiques. Cela réduit fortement la petite progression de la part des filles ces dernières années. On renforce une asymétrie filles-garçons dans les filières les plus valorisées. Parce que évidemment, on pourrait très bien dire: “Les garçons font des maths et les filles font de la littérature”. Sauf que cela conduit à des revenus différents et des positions sociales différentes. Cela va entretenir un certain modèle, où au moment de la naissance d’un enfant dans le futur, ce sera plus logiquement la mère qui arrêtera de travailler.

 

JS: Concernant la situation des doctorants, on observe qu’ils financent difficilement leurs recherches et qu’il y a des inégalités entre sciences “dures” et sciences sociales. Comment expliquez-vous cet écart entre les sciences “dures” et les sciences sociales?

 

HK: Il y a deux mécanismes. Premièrement il y a beaucoup moins d’argent et de financement. Et puis il y a une position dans l’espace universitaire qui n’est pas la même. Donc, il est plus possible de faire une thèse en étant enseignant dans le secondaire. Un enseignant d’Histoire agrégé peut tout à fait faire une thèse et continuer à enseigner en faisant moins d’heures que d’autres. En maths c’est tout à fait impossible. La sélection a lieu avant d’arriver en thèse. Ce qui veut dire qu’il faut choisir entre la thèse et l’enseignement. Ce qui fait que si l’on n’est pas financé, on ne peut pas faire de thèse. Ce n’est matériellement pas possible.

 

JS: Une dernière question, en quoi la loi LPR (loi de programmation et de recherche) consiste-t-elle?

 

HK: C’est une loi qui est passée au moment du confinement et qui était présentée comme la grande loi recherche du premier quinquennat du président Macron. C’est un peu le complément de Parcoursup pour l’enseignement supérieur et qui devait donner énormément d’argent. C’était de l’argent censé être distribué assez peu au début et plus abondamment après. Un phénomène amplifié par la récente inflation. La valeur de ces annonces baisse rapidement. Elle va aussi changer les contrats des enseignants chercheurs vers plus de flexibilité, des contrats mieux payés que les contrats actuels pour quelques chercheurs. Il y aura aussi plus de contrats courts payés à l’heure ou payé sur un an surtout pour les universités un peu moins cotées.

Il y a encore des inégalités hommes-femmes où les hommes auront plus accès aux quelques postes très élitistes. On peut expliquer ça de plusieurs façons car on arrive à la fin de la trajectoire scolaire et le début de la trajectoire professionnelle, vers 30/35 ans. C’est pile le moment où l’aspect biologique rentre en jeu. Avec des femmes qui commencent à rentrer en congé maternité. Cela interrompt temporairement une carrière alors que les hommes subissent beaucoup moins cet effet là.

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